Ma tribune publiée dans Mediapart le 5 avril
2013 :
Les aveux de Jérôme Cahuzac sont un choc terrible : ses
actes comme ses mensonges sont inacceptables. J’ai reçu ces derniers jours de nombreux messages, de militants et sympathisants de gauche ou de simples citoyens, m’exprimant leur stupéfaction et
leur dégout. Je partage ce désarroi de tous ceux qui œuvrent chaque jour pour le progrès et qui souhaitent relever le niveau des débats.
Certains à droite voudraient croire et faire croire que cette affaire n’embarrasse que la gauche. C’est oublier que ces
révélations arrivent malheureusement après une série d’autres scandales qui, de Woerth à Sarkozy en passant par les affaires locales, jettent en réalité le discrédit sur l’ensemble du monde
politique, et plus largement, sur l'ensemble de celles et ceux qui à un moment de leur vie décident de prendre un engagement citoyen. Surtout, elles arrivent dans un contexte de crise économique
et sociale sans précédent : plus que jamais les Françaises et les Français portent un regard sombre sur leur pays et leurs institutions. À en croire les sondages, la majorité d’entre eux est
même convaincue que les élus sont corrompus et agissent avant tout pour leurs intérêts personnels. C’est une véritable défiance qui s’installe à l'encontre des élus : le
sentiment que les politiques seraient un monde à part, incapables de comprendre et donc de répondre aux attentes des Françaises et des Français. Nous en connaissons les conséquences :
désaffection du politique et de la démocratie, populisme, montée de l’extrême-droite, rejet de l’autre.
Dans son intervention de mercredi dernier, le président de la République a trouvé les mots justes. Il a proposé trois
mesures fortes : une réforme pour l’indépendance de la justice, la surveillance des intérêts des ministres et parlementaires pour lutter contre les conflits d’intérêts, l’aggravation des
sanctions pour les élus condamnés. Je soutiens pleinement ces initiatives.
Mais dans le contexte actuel, il est illusoire de croire que l’action de l’État pourrait suffire. Car la défiance
n’épargne pas les institutions et les élus locaux. Alors que les élections municipales approchent, je crois qu’il est de notre responsabilité en tant que militants politiques, et sans
forcément attendre l’action de la loi, d’insuffler un nouveau souffle démocratique dans nos pratiques locales et nos collectivités. Nous devons réaliser un choc local de confiance et de
transparence.
Dans le climat pesant actuel, la première des exigences est que nos concitoyens puissent avoir la certitude que leurs élus
travaillent pour le bien de leur territoire et pour l'intérêt général. Les collectivités peuvent décider d’agir :
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La lutte contre les conflits d’intérêts ne peut concerner seulement les mandats nationaux : les
maires, adjoints, présidents et vice-présidents d’intercommunalité doivent déposer les mêmes déclarations d’intérêts exigées des parlementaires.
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Les citoyens doivent savoir comment et pour quoi est utilisé l’argent public : subventions aux
associations, investissements, rémunération des collaborateurs de cabinet, externalisation auprès de sociétés privées, etc. L’open data doit être généralisé y compris et surtout pour
les questions financières.
Au delà de la transparence dans le fonctionnement, il est nécessaire aujourd’hui pour les élus d’accepter que la légitimité
de leurs actions ne peut se fonder uniquement sur l’élection. La démocratie participative ne peut rester un simple slogan, elle est nécessaire pour rétablir la confiance :
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La concertation doit être généralisée au delà de l’élaboration des plans et schémas
obligatoires : toute infrastructure, toute politique doit faire l’objet d’une discussion en amont avec les parties prenantes et les citoyens. Les grands axes politiques d’une collectivité
pourraient faire l’objet d’appels publics à contributions sur un portail internet dédié.
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Les structures permanentes de concertation, tels le conseil de développement ou les conseils de
quartier, doivent être renforcés et dotés des moyens nécessaires. Le conseil de développement ou des conseils de quartier doivent pouvoir, à une majorité qualifiée, faire inscrire une
question à l’ordre du jour du conseil municipal ou communautaire.
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Le droit de pétition doit être renforcé : si des électeurs ont déjà possibilité de demander
l’inscription d’une question à l’ordre du jour du conseil municipal, il faut prévoir, pour des questions liées à la proximité, qu’un seuil de signatures puisse déclencher un référendum local.
Comme le fait déjà la Maison Blanche avec le site petitions.whitehouse.gov, un processus d’interpellation publique des élus pourrait également être mis en place : au dessus d’un
certain nombre de signatures, la municipalité aurait l’obligation de fournir une réponse officielle et publique.
Au delà de ces mesures locales, je reste convaincue de la nécessité de mettre fin au cumul des
mandats : un-e maire défend les intérêts de sa commune, un-e parlementaire représente la Nation. Cumuler des mandats exécutifs ne permet ni de mener à bien l'ensemble des missions
ni de tourner la page des conflits d’intérêts institutionnalisés. De plus, je suis favorable à une limitation des mandats exécutifs dans le temps qui permettra un renouvellement des
générations.
La crise que nous traversons, en jetant le discrédit sur les représentants du peuple, les élus politiques ou associatifs ou
même les militants, est cruelle pour l'immense majorité d'entre eux qui accomplissent leurs tâches au nom de leurs valeurs et dans le souci exclusif de l’intérêt collectif. Nous vivons parfois
comme une injustice de devoir nous justifier de notre bonne foi à cause de quelques uns qui se sont cru autorisés à se départir de l'honneur et de la responsabilité que leur confèrent leurs
pouvoirs.
Je prendrai toute ma part à l'effort nécessaire pour rétablir la confiance entre les citoyens et leurs
représentants. C'est mon devoir d'élue comme de militante.